Tensions sur le
marché énergétique
Voir la vidéo
 
En juin 2021, BRUGEL a publié un avis d’initiative sur l’évaluation, qualitative et quantitative, de l’état du marché de l’énergie bruxellois. L’analyse, qui portait tant sur le segment résidentiel que professionnel, a permis de mesurer l’impact de la crise sanitaire sur ce marché. « Il est ressorti de cette analyse que la diminution des volumes de fourniture, couplée à l’augmentation des défauts de paiement, a déstabilisé les dynamiques de marché bruxellois, avec une baisse de la concurrence due à la mauvaise santé financière des fournisseurs », explique Carine Stassen, responsable du service des Affaires socio-économiques. « Cette crise a également mis en évidence la fragilité des PME et des indépendants, ainsi que la limite du cadre régulatoire les concernant. »
 

3 fournisseurs hors marché

Au cours du deuxième semestre 2021, la situation sur les marchés européens de l’énergie a poussé les prix à la hausse de façon exceptionnelle. Cette envolée a eu pour conséquence de créer une forte tension sur les liquidités des fournisseurs. Impactés par ces aléas économiques et la structure du marché bruxellois de l’énergie, trois fournisseurs ont ainsi disparu du marché.

Première victime de cette série, le fournisseur Energy2Business qui a été déclaré en faillite le 13 septembre 2021 par le Tribunal de l’entreprise de Liège. « Dans la foulée, ce fournisseur a perdu ses licences de fourniture d’énergie en Région de Bruxelles-Capitale et a vu son contrat d’accès résilié par le GRD bruxellois », précise encore Carine Stassen. En Région de Bruxelles-Capitale, Energy2Business fournissait de l’énergie (électricité et gaz) uniquement à des clients professionnels (66 points EAN).

En date du 17 décembre 2021, le gestionnaire du réseau de distribution SIBELGA a également résilié le contrat d’accès au réseau de gaz du fournisseur Watz. Suite à la rupture de son contrat d’approvisionnement, Watz n’était plus en mesure de fournir ses clients professionnels. Dernière victime de l’envolée des prix du gaz et de l’électricité : le fournisseur OCTA+. Ce dernier ne pouvait plus garantir la fourniture de ses clients en énergie ni honorer ses engagements contractuels vis-à-vis du gestionnaire du réseau de distribution. Avant la prise finale de décision de résiliation par SIBELGA, BRUGEL a organisé une concertation entre les parties. Étant donné qu’aucune solution n’a pu être dégagée, BRUGEL n’a pas eu d’autre choix que de constater que le retrait d’accès était la seule solution et ce afin de continuer à garantir le bon fonctionnement des marchés du gaz et de l’électricité. Ce retrait d’accès a pris effet au 1er janvier 2022.

 
« Notre rôle, en tant que régulateur, a été d’accompagner au mieux les consommateurs suite à ces disparitions mais aussi de nous assurer que le fournisseur de substitution informait correctement les clients sur les nouvelles modalités de fourniture. »
Karine Sargsyan
Responsable du service Juridique et du service des Litiges

Fournisseur de substitution

Côté clients, BRUGEL s’est attachée à ce qu’ils puissent disposer de toutes les garanties reprises dans l’ordonnance suite à ces disparitions. Leur sécurité d’approvisionnement n’a ainsi jamais été remise en cause et ils ont été invités à conclure un nouveau contrat de fourniture avec un fournisseur de leur choix. Entre-temps, la fourniture est assurée par le fournisseur de substitution Engie Electrabel, aux conditions du contrat par défaut. « Notre rôle, en tant que régulateur, a été d’accompagner au mieux les fournisseurs lors de ces retraits et de nous assurer que le fournisseur de substitution appliquait des mesures non discriminatoires et informait correctement les clients sur les nouvelles modalités de fourniture », explique Karine Sargsyan, responsable du service Juridique. « Et comme OCTA+ est toujours en activité en dehors de la Région de Bruxelles-Capitale (contrairement à Watz et Energy2Business - ndlr), notre service a également été particulièrement attentif à ce que ce fournisseur continue à remplir ces obligations, comme le remboursement des notes de crédit par exemple. »

Nécessité d’évolution réglementaire du régime de substitution

En collaboration avec les autres régulateurs régionaux1, BRUGEL a également analysé le régime de substitution en cours dans notre pays afin de le faire évoluer. À l’issue de cette analyse, les trois régulateurs régionaux ont convenu que la responsabilité de fournisseur de substitution devait revenir aux GRD. De plus, les GRD devraient avoir la possibilité de la sous-traiter à un ou plusieurs fournisseur(s) choisi(s) via une procédure transparente et concurrentielle. « Au regard du droit européen, il nous semble injustifié que le fournisseur historique puisse accueillir automatiquement les clients des fournisseurs défaillants. Nous constatons qu’en RBC, la désignation du fournisseur historique résulte d’un règlement établi au début de la libéralisation du marché », souligne Karine Sargsyan.

Au regard des événements survenus en 2021, BRUGEL pense qu’il convient par ailleurs de revoir les modalités du contrat d’accès sur le marché bruxellois. Dans la foulée du régulateur bruxellois, de nombreux observateurs s’étaient également accordés pour reconnaître que les procédures actuelles ne répondaient plus à la réalité du secteur. « Nous avons tenu à intégrer les leçons de ces dysfonctionnements dans notre projet de réforme du règlement technique. Comme c’est un contrat réglementé sur lequel nous avons un pouvoir d’approbation, nous comptons à brève échéance modifier les dispositions relatives à la rupture d’accès », précise encore Karine Sargsyan.

 
« BRUGEL prévoit de revoir les modalités du contrat d’accès sur le marché bruxellois en modifiant entre autres les dispositions relatives à la rupture d’accès. »
Karine Sargsyan
Responsable du service Juridique et du service des Litiges
 

Retrait provisoire

En juillet 2021, le fournisseur d’énergie MEGA s’est retiré provisoirement du marché bruxellois. S’il continue à gérer ses clients historiques, ce fournisseur a cessé de proposer des offres pour les nouveaux. « Ce retrait ainsi que la disparition des trois fournisseurs, comme expliqué juste avant, ont de lourdes conséquences pour le marché bruxellois. Sérieusement restreint, ce marché limite le choix du consommateur résidentiel à une demi-douzaine de fournisseurs, dont deux seulement (Engie et TotalEnergy) proposent des offres sans condition contractuelle contraignante. Cette situation de duopole n’est pas sans conséquence pour les consommateurs bruxellois qui ne disposent plus des meilleures offres du marché », indique Carine Stassen. Cette situation est d’autant plus problématique en cette période de forte hausse des prix.

Baisse continue de la concurrence

En septembre 2021, BRUGEL a alerté le Gouvernement sur la baisse continue de la concurrence sur le marché bruxellois de l’énergie. Cet avis a clairement mis le doigt sur l’impact que pourrait avoir cette dérive sur les consommateurs. « Dans cet esprit, nous avons identifié quatre risques majeurs : une augmentation des prix de l’énergie, une impossibilité de pouvoir changer de fournisseur, une impossibilité d’obtenir un contrat et une impossibilité de bénéficier d’un service énergétique lorsqu’on est endetté », explique encore Carine Stassen.

Selon elle, la situation de quasi duopole qui prévaut en RBC tend à s’éloigner des prescrits de la directive européenne sur les marchés de l’énergie. « En moins d’un an, le marché de l’énergie bruxellois a perdu 50 % de ses fournisseurs principaux. Nous constatons surtout qu’il a perdu les deux fournisseurs qui faisaient les meilleures offres sur le marché. Résultat : le coût de la commodité (électron ou molécule de gaz) en Région de Bruxelles-Capitale est plus élevé que dans les deux autres Régions du pays. »

Pour les acteurs du secteur, le constat est sans appel : ce sont les règlements qui régissent le marché bruxellois de l’énergie qui ont tendance à décourager les fournisseurs potentiels. « Durant des années, BRUGEL n’a eu de cesse d’alerter les pouvoirs publics. Aujourd’hui, le manque de concurrence est devenu réalité », conclut Carine Stassen.

 
« En moins d’un an, le marché de l’énergie bruxellois a perdu 50 % de ses fournisseurs principaux. Cette situation n’est pas sans conséquence pour les consommateurs bruxellois qui ne disposent plus des meilleures offres du marché. »
Carine Stassen
Responsable du service des Affaires socio-économiques